Renouvellement
Lorsque Lyne, secrétaire du comité exécutif, a suggéré le thème du renouvellement pour le prochain numéro de L’Œil ouvert, cela nous a semblé un thème évident : le monde universitaire est en constant renouvellement, c’est notre essence même. Renouvellement avec quelque chose en plus, quand même, une notion de développement, l’atteindre de nouvelles frontières. Si nous étions une entreprise, les spécialistes en marketing nous suggèreraient peut-être « Renouvellement + » comme slogan ou à ajouter à notre logo. Renouvellement des cohortes étudiantes, renouvellement du savoir acquis et transmis aux nouvelles générations, l’Université doit être toujours en marche vers le futur, que l’on veut meilleur tout en s’appuyant sur le passé et ses leçons.
Donc toute l’équipe s’est jetée sur ce thème, pour l’explorer. En cette dernière année de notre convention collective, le renouvellement prend un sens tout syndical. Là aussi, bien sûr, nous voulons un renouvellement avec un plus! Avec plusieurs plus.
Quel sera-t-il? Nous le saurons plus tard, mais que voulons-nous? Il s’agit d’y réfléchir, de discuter ensemble de la construction de notre avenir commun. Ces prochains mois vont y être consacrés. Vous aurez l’occasion de vous exprimer, il faudra la saisir. Ainsi, la prochaine convention collective sera la nôtre.
C’est d’un autre aspect de notre renouvellement que j’aimerais parler ici : celui de nos collègues aux directions de départements et de programmes. Le sujet touche aussi les directions d’unité de recherche, mais peut-être de façon moins aiguë. Le secret n’en est plus un, il est de plus en plus difficile de trouver des volontaires pour assumer ces tâches de gestion académique. Il est important de valoriser cette fonction capitale et pourtant négligée. Ceux qui l’occupent se mettent au service de leurs collègues, souvent en sacrifiant une partie de leur carrière, car cela demande de l’énergie et du temps, beaucoup de temps. Pourquoi cette difficulté à trouver une relève? C’est une question sur laquelle Marc, vice-président aux affaires syndicales, se penche avec un comité ad hoc. Plusieurs tentatives de réponse sont entendues, manque de temps, une pyramide des âges en sablier, un individualisme plus présent… Nous explorons aussi, avec certaines directions, d’autres avenues pour la gestion des gros départements.
En fait, c’est une crise que nous vivons à l’UQTR. De plus en plus de départements sont en administration déléguée, certains en tutelle ou s’y dirigent. Je ne veux pas ici pointer de doigt accusateur, il n’y a pas de coupable sur qui lancer la pierre. Non, nous partageons la responsabilité de cet état de fait, nous pourrions tous lancer les pierres juste au-dessus de nos têtes et les regarder tomber, nous ensevelissant sous une rocaille digne d’une fosse commune.
Je suis sombre et je dois m’en expliquer. À de nombreuses reprises, j’ai dit publiquement que nous avons le plus beau métier au monde : il nous a fallu de la passion pour atteindre ce but, et de la chance – peu y arrivent – mais nous avons une liberté que beaucoup nous envient. Certains artistes la partagent aussi, avec la passion de leur art, c’est vrai, mais eux n’ont pas un poste permanent avec un salaire qui les place dans les 3 ou 5% les plus riches taxés de la société. Nous sommes des experts dans un domaine que nous approfondissons et enseignons, un beau statut. L’Université est un cocon qui nous permet de nous épanouir, avec des services dont la raison d’être est de nous permettre de nous réaliser. Il est vrai que nous avons des comptes à rendre, mais c’est à nos collègues d’ici ou d’ailleurs.
« En cette dernière année de notre convention collective, le renouvellement prend un sens tout syndical. Là aussi, bien sûr, nous voulons un renouvellement avec un plus! Avec plusieurs plus. »
Avez-vous l’impression que je divague? L’Université que je décris n’existe pas et l’UQTR n’est pas l’écrin qui met en valeur les perles que vous êtes? Pas le cocon d’où émergeront les prochaines générations? C’est peut-être vrai, et je prétends que nous en sommes partiellement au moins, responsables. Nous en avons abandonné la gestion au fil des années à l’administration que d’aucuns appellent « la direction » ou même « les patrons ».
Cette liberté que nous avons est le résultat de droits acquis par des générations d’universitaires. Ces droits doivent être défendus encore et toujours et nous seuls pouvons le faire, car la société veut souvent les rogner, les redessiner pour nous faire entrer dans l’écrin qu’elle nous a préparé, dans un moule, disons-le. La société s’adresse à nous par l’intermédiaire du politique. Celui-ci depuis longtemps voudrait nous voir fonctionner comme une entreprise et met en place des administrations à cette image. Regardez la nôtre! C’est loin d’être la pire, mais combien d’universitaires en font partie? Elle se renouvelle (c’est le thème, souvenez-vous) avec de plus en plus de cadres étrangers à notre monde, mais qui savent comment nous devons être, ce que nous devons faire. Encore une fois, les personnes sont souvent remarquables et ont de bonnes intentions, mais leur compréhension de ce que nous sommes est plus que lacunaire, et l’Université n’est pas une entreprise.
Or, comme je l’écrivais, nous avons la liberté de gérer une grande partie de notre carrière. L’UQ (avez-vous regardé les capsules historiques sur le syndicalisme universitaire?) a institué des départements souverains, avec à leur tête des collègues et non des cadres, fruit de cette période de combat démocratique de la fin des années 1960. Mais depuis plusieurs années nous abandonnons un peu le combat. Il est lourd, en effet, beaucoup de tâches administratives Cliquez pour visionner la capsule vidéo 1 : Naissance du syndicalisme universitaire et la capsule vidéo 2 : Mobilisation en trois temps La suite à la page 3 33 Dans ce numéro Sonia El Euch Et si nous faisions du rêve, une réalité? 4 Marc Beauregard Une convention d’abord collective 7 Georges Abdul-Nour Un renouvellement n’attend pas l’autre 9 Marianne Paul Le 50e du Syndicat : les activités se poursuivent 11 Pier-Luc Lajoie Réflexion sur la rémunération 13 Lyne Cloutier Faire entendre sa voix comme délégué.e 16 Alain Vallée Lettre du Directeur général du Secrétariat du RRUQ 18 Volume 2 / No 2 / OCTOBRE 2021 quand ce n’est pas de la gestion de ressources humaines (nous détestons tous cela!). Un monde que nous ne connaissons pas. Les situations se dégradent, rendant la tâche encore plus ingrate, moins attractive. Nous laissons aller. Oh, les raisons sont bonnes de regarder dans une autre direction quand vient le temps du renouvellement.
« En fait, c’est une crise que nous vivons à l’UQTR. »
Et c’est l’administration qui s’engouffre dans la brèche : « Attendez, nous allons nous en occuper! », et ils s’en occupent, pour nous. Depuis un peu plus de 2 ans à la présidence du syndicat, je vois que nous luttons contre cette appropriation de nos droits. On nous cite celui-ci qui en a abusé pour en faire une généralité qui prouve notre incompétence, en omettant tous les exemples contraires. On impose des règles égales pour tous, en ignorant nos particularités. C’est le rôle des directions de département, de programme de nous défendre, à nos représentants d’expliquer notre réalité, de prendre leur place dans les processus de gestion. Avec plus de 10% de nos départements sans direction, nous sommes faibles, ce sont des dizaines de professeur.e.s qui ne sont pas représenté.e.s.
Un corollaire, combien de candidat.e.s professeur.e.s s’alignent pour les postes de gestion, de cadres supérieurs? Très peu, et souvent pas du tout. Pire encore, cela ne nous intéresse pas! Seulement 18% des professeur.e.s ont donné leur avis sur la nouvelle vice-rectrice aux études et à la formation, un comble. C’est la cadre supérieure la plus importante pour nous, pour nos tâches, et sa nomination ne nous importe pas assez pour cocher une case dans un sondage. Honte à nous.
Je vous en prie, reprenons notre place, défendons nos départements, développons-les comme des unités où il fait bon vivre et travailler, collaborer avec les autres départements et mettre un grand + dans notre avenir. Saisissons ce droit, utilisons-le pour le bien de nos collègues, de nos départements, de nous-mêmes.
« Depuis un peu plus de 2 ans à la présidence du syndicat, je vois que nous luttons contre cette appropriation de nos droits. »